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 Entrevue avec Yanick Villedieu, lauréat du prix Hubert-Reeves 2022, Grand public

Le mercredi 8 juin 2022


Entrevue avec Yanick Villedieu, lauréat du prix Hubert-Reeves 2022, Grand public

Faites connaissance avec les lauréat.e.s des prix 2022 de l’ACS

Le jeudi 26 mai dernier, l’Association des communicateurs scientifiques du Québec (ACS) a dévoilé le nom des ouvrages lauréats du prix Hubert-Reeves 2022, le concours qui récompense les meilleurs ouvrages de vulgarisation scientifique en français au Canada. Le Deuil et la lumière : une histoire du sida, de Yanick Villedieu, publié par Les Éditions du Boréal, a remporté le prix Hubert-Reeves 2022 dans la catégorie Grand public.

Yanick Villedieu, vous êtes l’auteur de Le Deuil et la lumière : une histoire du sida, publié par Les Éditions du Boréal.  Pourquoi avez-vous choisi de traiter de la maladie du sida dans votre livre ?

D’abord, parce que la pandémie du sida est loin d’être terminée. Encore aujourd’hui, dans le monde, plus de 700 000 personnes, peut-être même jusqu’à un million, meurent de sida. Chaque année, encore aujourd’hui, un million et demi de personnes contractent le virus du sida, le VIH. Et une fois qu’on l’a contracté, on est infecté pour le reste de ses jours. On estime que 38 millions de personnes portent en elles ce virus dont on ne guérit pas.

Si j’ai voulu consacrer un livre au sida, c’est aussi parce que cet immense drame humain, qui a éclaté au grand jour il y a 40 ans, a été bien plus qu’une maladie infectieuse de plus. Le sida, qui a dramatiquement marié l’amour, le sang et la mort, a soulevé des questions de discrimination et de stigmatisation, de droits humains, d’inégalité entre les riches et les pauvres, entre les gens du Nord et ceux du Sud. Des questions de société et d’humanité.

Le sida, de plus, a donné lieu à une formidable épopée scientifique et médicale, aussi bien en recherche fondamentale qu’en recherche clinique – une épopée que j’ai eu la chance, exceptionnelle sur le plan professionnel, de suivre en direct en tant que journaliste scientifique spécialisé en médecine et santé.

J’ai donc voulu raconter l’histoire du sida telle que je l’ai vue et vécue depuis ma position d’observateur. Témoigner des millions de deuils qu’a causés le VIH-sida. Et expliquer la lumière qu’ont apportée la science, la recherche et la solidarité humaine.  

De journaliste scientifique à auteur, quelle a été votre démarche de travail pour rédiger votre livre ?

Ma matière première, c’était bien sûr les centaines d’heures d’interviews, d’animations et de reportages que j’ai réalisés pour la radio, principalement dans l’émission que j’animais sur les ondes de Radio-Canada, Les Années-lumière (anciennement Aujourd’hui la science). C’était aussi tout ce que j’avais écrit et publié dans les médias imprimés, principalement L’actualité, et sur le site web de Radio-Canada. J’ai aussi replongé dans mes archives personnelles : plusieurs caisses de dossiers (dans lesquels j’ai dû mettre de l’ordre, trier, éliminer, bref, faire le ménage) et mes carnets de reportages (dans lesquels j’ai retrouvé des noms, des lieux, des détails parfois griffonnés en vitesse, des notes prises dans des congrès, des conférences, des rencontres de presse).

Mais cette matière, élaborée et diffusée au jour le jour, ne faisait pas un livre puisque ce livre ne voulait pas être un simple collage de reportages et d’articles déjà diffusés ou publiés. Il m’a donc fallu transformer cette abondante matière première, la bonifier. J’ai dû élaguer, pour ne garder que ce qui, avec le recul, avait été vraiment important et significatif. Vérifier, pour préciser ou corriger ce qui avait été dit ou écrit à chaud. Et enrichir le tout, en faisant souvent de nouvelles recherches et de nouvelles lectures.

À mesure qu’avançaient la recherche et l’écriture (il y a un va-et-vient constant entre l’une et l’autre), le plan du livre se précisait et les chapitres prenaient forme. La principale difficulté était de doser les aspects scientifiques, parfois passablement pointus, et les aspects humains, culturels, sociaux et politiques. Ce que je voulais, aussi, c’était faire de tout ça un livre qui raconte une histoire qui se développe dans le temps, avec des personnages qu’on découvre, auxquels on s’attache et parfois qu’on voit mourir, avec des vedettes et des gens ordinaires, des événements heureux ou malheureux, des drames et des moments de grâce, des échecs et des succès, des rebondissements, des surprises. Un livre qui parle de science, de médecine et de maladie, mais qui se lit un peu comme un roman.

Selon vous, qu’est-ce que la vulgarisation de la science apporte à la société ?

Elle apporte quelque chose d’essentiel, j’oserais presque dire de vital : les moyens pour comprendre notre époque, pour déchiffrer le monde dans lequel nous vivons.

Ce monde est de plus en plus complexe. Et il est de plus en plus façonné par la science et la technologie. Les plus grandes questions auxquelles nos sociétés sont confrontées ont des dimensions scientifico-techniques majeures – que ce soit le dérèglement du climat, les pandémies actuelles et à venir, l’utilisation des ressources et du territoire, les choix énergétiques, notre rapport à la nature.

Et comme la science est elle-même de plus en plus spécialisée et complexe, il faut la « traduire » pour que le public puisse la comprendre, au moins dans ses grands tenants et ses grands aboutissants. Cette « traduction », c’est ce qu’on appelle la vulgarisation. Laquelle peut être faite par des scientifiques qui sont parfois maîtres en la matière, comme le fait si remarquablement Hubert Reeves. Ou par des vulgarisateurs professionnels, comme le font les journalistes et les autres communicateurs scientifiques. 

Enfin, quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite écrire un livre scientifique destiné au grand public ?

Il vous faut d’abord savoir que vous allez vous lancer dans une aventure qui risque d’être plus difficile et plus longue que vous imaginiez, mais qui apporte d’incroyables satisfactions.

Le grand préalable, c’est de trouver un bon sujet et un bon angle de traitement. En cours de route, il faut s’armer de patience, chercher, creuser, douter, recommencer, vérifier, persévérer. En fin de parcours, il est bon de pouvoir se fier à quelques bons « premiers lecteurs » et « premières lectrices », qui vous aideront à finaliser votre manuscrit.

Il faut enfin faire affaire avec un bon éditeur, qui vous apprendra probablement que votre manuscrit n’était pas encore tout à fait finalisé et qu’il vous faudra en produire une nouvelle version. Voire deux ou trois nouvelles versions. Pointilleux, votre éditeur ? Dites-vous que ce n’est pas la première fois qu’il reçoit et travaille un manuscrit. Et qu’il veut lui aussi publier le meilleur livre possible.

Le Deuil et la lumière : une histoire du sida, de Yanick Villedieu, publié par Les Éditions du Boréal, a remporté le prix Hubert-Reeves 2022, catégorie Grand public.

 

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